mardi, avril 22, 2014

Nouri Bouzid

Nouri Bouzid : “Mon rêve pour la Tunisie est que les femmes rééduquent les hommes”

Entretien | Il a tourné “Millefeuille” en pleine révolution tunisienne. Rencontre avec Nouri Bouzid, réalisateur engagé, qui a voulu faire “un film de femmes”.
Le
Mathilde Blottière
  Millefeuille . © Paradis Films
Millefeuille. © Paradis Films
Nouri Bouzid, 68 ans, est de ces inlassables qui se relèvent toujours. Quels que soient les risques. Emprisonné sous Bourguiba, régulièrement censuré sous Ben Ali, le réalisateur de L'Homme de cendres et des Sabots en or est depuis toujours un artiste engagé, fervent défenseur de la laïcité et du droit des femmes.
Dans son dernier film, Millefeuille, tourné en pleine révolution, il raconte la lutte pour l'indépendance de deux amies, l'une voilée, l'autre pas. Après Making of, « un film d'homme », Nouri Bouzid dit avoir voulu réaliser « un film de femme ». Rencontre avec un Tunisien « optimiste à long terme ».
Le 9 avril 2011, vous étiez blessé à la tête par un islamiste à Tunis. Depuis, vous faites régulièrement l'objet de menaces et d'intimidations. Comment vivez-vous avec cela ?
Les extrémistes considèrent tous les artistes comme leurs ennemis. Beaucoup ont déjà été pris pour cibles. Mon agression a eu lieu dans la foulée d'un meeting de l'Ennahda [le parti islamiste, au pouvoir en Tunisie, ndlr]. Devant une salle de militants applaudissant à tout rompre, un musicien a entonné un rap appelant explicitement à me lyncher. Une semaine plus tard, un jeune passait à l'acte pour gagner un strapontin au paradis.
Aujourd'hui, je ne me sens toujours pas en sécurité en Tunisie. Pour les fondamentalistes, je suis un mécréant, en bonne place sur la liste noire des salafistes, où figurent vingt-sept personnes à tuer. Mais je me suis fait une raison. J'ai exorcisé ma peur grâce au cinéma. En me donnant le rôle d'un artiste SDF qui finit assassiné dans Millefeuille, j'ai consommé la mort, senti les odeurs et la froideur des alvéoles de la morgue… J'ai renvoyé au visage de mon agresseur l'image de la mort.
Deux ans et demi après la chute de Ben Ali, comment percevez-vous la situation en Tunisie ?
La vraie révolution est en train de se faire, contre ceux qui l'ont volée, l'Ennahda et ses soutiens. Régulièrement, des villages entiers, des régions se soulèvent. Des affrontements éclatent, dans lesquels des manifestants sont blessés. Les gens en ont assez : du chômage, de la flambée des prix, des conditions de vie, mais pas seulement. Sous Ben Ali, nous n'avions pas de démocratie politique mais nous disposions d'une certaine liberté au niveau des mœurs. Les citoyens ne sont pas prêts à voir ces acquis sacrifiés. Ils résistent.
Le plus frappant actuellement, c'est l'incroyable montée de la conscience féminine dans le pays. Au début de la Révolution, les mères empêchaient leurs filles d'aller manifester. Maintenant, elles sont les premières à sortir dans la rue pour entrer dans la lutte à leurs côtés. Et ce malgré la peur. Car dans toute la Tunisie, les wahabites, la frange la plus dure des islamistes, envoient des prédicateurs laver le cerveaux des plus fragiles, en prônant le viol, l'excision, le mariage avec des fillettes, etc. Paradoxalement, ces prédicateurs encouragent l'éveil de la conscience des femmes.
Dans quelles circonstances est né le film ?
La révolution a été vue, commentée, chroniquée à partir de ce qu'on en voyait dans la rue. J'ai eu envie d'entrer dans les maisons pour montrer comment elle transforme les individus et les familles, d'une manière intime et souterraine. Mais la démarche n'est pas neutre : il s'agit clairement de valoriser ceux qui résistent et se rebellent en silence, dans le secret domestique. On ne peut pas réduire la révolution à un défoulement public. Il faut aussi qu'elle transforme les rapports familiaux.
Que ceux qui ont osé braver et défaire les chefs du régime affrontent l'oppression familiale. Car malgré les évolutions – dans les villes, surtout, on trouve des parents cultivés, des mères émancipées – le danger couve dans de nombreux foyers. Ne serait-ce que parce qu'elles veulent protéger leurs filles, les mères sont parfois leur pire ennemi ; moi-même, j'ai beau avoir fait de la prison à cause de mes idées, je n'ai jamais eu aussi peur que lorsque ma fille est allée manifester.
Et puis disons le aussi : certaines de nos traditions entretiennent l'archaïsme et le repli sur soi. Dans l'Islam, il y a un principe d'éducation hypocrite qui dit : si tu transgresses un interdit, fais-le en cachette. La ruse, c'est ce qu'on appelle en Occident, le syndrome de Shéhérazade.
Le retour à l'obscurantisme, en pleine révolution, c'est un scénario envisageable en Tunisie ?
Millefeuille est une fiction, je n'ai pas pour vocation d'être un fidèle copiste de la réalité. Mais la Tunisie à deux têtes est une réalité. L'amitié que j'ai imaginée entre mes deux héroïnes traduit l'équilibre que la société tunisienne a toujours su trouver, bien avant le Code du statut personnel de Bourguiba, entre les laïcs et les partisans d'un Etat islamique. Si seulement l'opposition laïque pouvait se rassembler pour les prochaines élections, ce serait gagné. En ce qui concerne l'athéisme, c'est encore une autre histoire : pour leur sécurité, je conseille d'ailleurs aux athées de Tunisie de ne pas se faire connaître.
La question du port du voile est au cœur du film. Sous Ben Ali, il était mal vu, voire interdit. Est-ce délicat de l'aborder dans un contexte post-révolutionnaire, quand le porter ou non relève désormais de la liberté de culte ?
Il fallait le faire, de toute façon. D'ailleurs, le film défend le principe de la liberté individuelle et porte un regard également tendre sur les deux personnages féminins : à partir du moment où elles sont les seules à décider pour elles-mêmes, elles ont autant le droit de choisir le voile que de le refuser.
Au fond de moi, cela ne m'empêche pas de penser que le voile est un accessoire réducteur pour les femmes. Et une entrave à la vie sociale : comment parler librement avec quelqu'un qui est à moitié dissimulé ? Autant essayer de discuter sincèrement avec un type en uniforme de flic !
Pire que tout : faire face à une femme voilée, c'est ne jamais pouvoir oublier son sexe. Le voile pointe ce qu'il veut cacher. D'ailleurs, il n'y pas pire obsédés que les intégristes. Quant au Niqab, n'en parlons pas, il équivaut à une négation d'identité.
En 1996, vous réalisiez Tunisiennes, qui nous donnait déjà des nouvelles un peu inquiétantes de la condition féminine dans votre pays. Vingt ans après, il semble qu'il y ait toujours, peut-être plus encore, de raisons de s'alarmer.
Il faut relativiser. Ma fonction de cinéaste engagé est de réclamer toujours plus. De traquer le machisme partout où il se cache. Une bonne partie des Tunisiennes n'a jamais porté le voile. Elles s'expriment quotidiennement, y compris à la télévision, sur leur statut, leurs droits, leurs libertés. C'est un acquis énorme dont le nouveau régime ne peut venir à bout.
En plus d'une forte conscience féminine, la Tunisie est riche d'une société civile très dynamique : deux choses que les autres pays du monde arabe n'ont pas. Tant que cette société civile sera vigilante, il y aura des raisons d'espérer. Quant à la question religieuse, notre histoire prouve que nous avons su pratiquer un islam modéré et éclairé. En janvier, des salafistes ont brûlé et saccagé des mausolées soufis : ils ne supportent pas l'idée d'une culture musulmane qui célèbre la musique, le chant et la danse. Autant d'expressions corporelles et artistiques qui confinent parfois au divin.
Dans Millefeuille, vos deux héroïnes ont en commun une combativité fougueuse face à des hommes souvent lâches ou dans le déni. C'est comme cela que vous voyez les femmes tunisiennes, des frondeuses ?
Mon rêve pour la Tunisie est que les femmes rééduquent les hommes. Je crois que c'est la mission que l'histoire leur impose.
Comment le film a-t-il été reçu sur place à sa sortie ?
D'abord, il n'y a eu aucune agression à déplorer. Ce qui n'était pas gagné. Dans la rue, les femmes ne cessent de me remercier, de m'embrasser, me demandent de continuer. J'en ai besoin car je n'ai pas encore pu me résoudre à proposer d'autres projets aux instances dirigeantes. Je ne suis pas prêt à écrire un scénario sur-mesure pour les membres de l'Ennahda, ni à leur être d'une quelconque façon redevable.
Manmoutech, le titre du film en arabe, est aussi celui d’un poème que vous avez écrit derrière les barreaux, dans les années 70. A l’époque, vous apparteniez au mouvement de gauche Perspectives, interdit sous Bourguiba…
J'ai écrit ce poème en une nuit, en un jet. Il dit entre autres : « Je ne voudrais pas mourir avant de voir la jouissance affranchie du Coran et de la loi. » Bien après, j'ai découvert que Boris Vian, ce modèle de liberté et de rébellion artistique, avait écrit un poème intitulé Je ne voudrais pas crever

vendredi, avril 11, 2014

samedi, avril 05, 2014

IAM - Demain c'est loin

Stratégies de manipulation (Chomsky)

Un cours largement enseigné à l’ENA et dont les anciens

élèves tirent le plus grand profit.

Les dix stratégies de manipulation de masses

Le philosophe nord-américain Noam Chomsky, activiste et penseur politique,

professeur de linguistique au Massachusetts Institute of Technology où il a

enseigné toute sa carrière, a fondé la linguistique générative. Il s'est fait

connaître du grand public, à la fois dans son pays et à l'étranger, par son

parcours d'intellectuel engagé. Il a élaboré une liste des « Dix Stratégies de

Manipulation » à travers les médias. Elle détaille l’éventail, depuis la stratégie de

la distraction, en passant par la stratégie de la dégradation jusqu’à maintenir le

public dans l’ignorance et la médiocrité.

1/ La stratégie de la distraction

Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à

détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations

décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de

distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est

également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux

connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l Ȏconomie, de

la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du

public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets

sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun

temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de «

Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

 (Le foot, les jeux olympiques, Johnny, etc) ["Panem et circenses" "Donnez leur

du pain et des jeux !"].

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2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord

un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du

public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui

faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou

organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois

sécuritaires au détriment de la liberté.

(Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal

nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.).

3/ La stratégie de la dégradation

Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer

progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon

que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme)

ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité,

flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de

changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués

brutalement.

(Baisse des retraites et allongement de la durée du travail).

4/ La stratégie du différé

Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter

comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le

présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter

un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à

fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer

naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être

évité.

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Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et

l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

(L’augmentation importante de la pression fiscale ne s’est pas faite avant les

élections de 2012).

5/ S’’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

La plupart des publicités destinées au grand public utilisent un discours, des

arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent

proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas âge ou un

handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un

ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était

âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine

probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles

d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres

tranquilles »

(Les français sont trop gros, trop gros, trop gros. Les boissons sucrées sont

surtaxées : nous les paierons plus cher).

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter

l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation

du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y

implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements

 (La terre se réchauffe dangereusement du fait des seules activités

humaines (sic), ce sera terrible pour nos enfants : les carburants sont encore plus

taxés).

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7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les

méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation

donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé

de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et

demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes

silencieuses pour guerres tranquilles »

(80 % des élèves des universités ou des grandes écoles sont issus des classes

moyenne ou supérieure).

8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte

 (Voir certaines émissions de TV particulièrement populaires).

9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de

l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu

de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto dévalue et

culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition

de l’action. Et sans action, pas de révolution !

(Vous êtes au chômage par manque de formation : suivez un stage et tout ira

mieux).

10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé

un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et

utilisées par les élites dirigeantes.

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Grâce à la biologie, la neurobiologie et la psychologie appliquée, le « système »

est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement

et psychologiquement.

Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se

connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient

un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus

eux-mêmes.

 (Pourquoi croyez-vous que les grands politiques utilisent et payent largement

des instituts importants des sciences humaines ou des grandes sociétés de

publicité ce qui revient au même).

Peu importe la couleur politique,

voilà comment nos chers dirigeants nous manipulent !

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